Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
NOVALIS

parfaite on peut dire qu’elle est à la fois universellement consciente et inconsciente. C’est un chant, une pure modulation de l’âme affective, pareille à la modulation des voyelles ou des sons. L’idiome intérieur d’un homme peut être obscur, pénible ou barbare, — il peut s’appeler la langue grecque ou l’italienne, — il est d’autant plus parfait qu’il se rapproche davantage du chant. »[1]

Et c’est bien en effet la musique seule qui aurait pu exprimer intégralement cette conception esthétique nouvelle. Qu’on relise la « métaphysique de la musique » de Schopenhauer : on y trouvera formulée avec de frappantes similitudes toute la pensée artistique de Novalis. « Si nous ne commençons point par nous placer en quelque sorte au point de vue musical » écrit un critique contemporain, M. de Wyzewa, « la beauté des œuvres allemandes, même les plus européennes, de Faust ou de Guillaume Tell, risque de nous demeurer incompréhensible. Les contes d’Hoffmann, Ondine, Henri d’Ofterdingen, tout cela doit être considéré avant tout comme des scherzos, des andantes, des impromptus, à la manière de Schubert ou de Schumann, et quiconque ne connaît point Mozart est hors d’état d’apprécier les « lieds » de Novalis. »[2] Si en effet la littérature classique allemande semble déjà plonger dans ce que Nietzsche appelle « le génie de la musique », on peut dire que le romantisme, prenant conscience de cette étroite parenté, a opéré de plus en plus la fusion intégrale des deux arts, au profit de la musique surtout, ou tout au moins qu’il a principalement mis en valeur dans la littérature les éléments par où elle se rapprochait de la musique.

D’ores et déjà il apparaît que seul un musicien-poète, mais un musicien avant tout, pouvait réaliser intégralement cette œuvre d’art nouvelle, dont le Henri d’Ofterdingen de Novalis ne nous a présenté qu’une ébauche embryonnaire et comme schématique. Et ainsi on pourrait voir, avec M.

  1. N. S. II, p. 154.
  2. Revue des Deux-Mondes, 15 septembre 1902, p. 465.