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Page:Spenlé - Novalis.djvu/367

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HENRI D’OFTERDINGEN

H. Lichtenberger, dans la personne de Richard Wagner « l’héritier de cette foi romantique, en même temps chrétienne et panthéistique, le successeur d’un Fichte, d’un Schleiermacher, d’un Novalis… Poète national, il a mené à bonne fin l’œuvre entreprise par les romantiques, œuvre qui, dans le domaine du drame en particulier, n’avait abouti, avant lui, à aucun résultat définitif : il a fait revivre le passé germanique, il a donné aux vieilles légendes mortes une âme moderne et une vie nouvelle. Musicien-poète, il a trouvé une formule originale pour cette synthèse de la parole et de la musique, qu’avant lui de nombreuses générations de musiciens ont cherchée et vers laquelle tendaient aussi, par une autre voie, de grands poètes comme Schiller et surtout Gœthe. »[1]

Parmi ces précurseurs une place honorable revient à Novalis. S’il était né dans l’Allemagne de la Réforme ou dans l’Allemagne nationale du 19me siècle, peut-être, ajoutant quelques cordes d’airain à sa lyre, en eût-il tiré des accents qui auraient étonné le monde. Car il y avait dans cet esprit passionné, capable de s’exalter jusqu’à l’idée-fixe, des énergies poétiques, qui ne parvinrent pas à se formuler. Mais sa destinée fut de rentrer toujours plus en lui-même et de n’écouter que les voix intérieures. Il devint ainsi, sans le savoir, un des premiers annonciateurs, dans le camp de la littérature, d’une esthétique nouvelle, romantique et musicale surtout. Mais pour cet art nouveau, l’instrument qu’il maniait ne suffisait plus. L’expression chez lui n’a pas répondu à la pensée, l’exécution est généralement restée en deçà de la conception première. C’est peut-être ce qui a contribué à teinter de nostalgie sa vocation d’artiste. Car à cette vocation, si réelle pourtant et si sincère, semble parfois avoir manqué le contact direct avec son objet, l’épanouissement, heureux dans un élément propice. Son âme en est restée comme dépaysée, frappée d’un

  1. H. Lichtenberger, Richard Wagner, poète et penseur, Paris, 1898, p. 499-500.