Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
364
NOVALIS

vidualité dédoublée, à la fois passionnée et instable, idéaliste et voluptueuse, sujette aux illusions fiévreuses et aux réactions extrêmes, capable de se passionner jusqu’à l’idée-fixe et moralement indolente, oscillant sans cesse entre l’exaltation délirante et la dépression routinière, s’affirme comme une aspiration « idéale » vers l’unité du caractère et de la vie. Mais cette aspiration morale et philosophique à son tour revêt un caractère éminemment passionnel et imaginatif. C’est un état de monoïdéisme sentimental, se traduisant d’abord par des vocations illusoires, puis par une conception mystique et romanesque de l’amour et enfin, à la suite d’un « choc » moral plus profond, se manifestant par une crise maladive de la personnalité, sorte de mélancolie hystérique, qui a inspiré le Journal du poète et les Hymnes à la Nuit. Toutefois, après une première phase aiguë, par une rémission progressive, ce délire a pris un caractère de plus en plus spéculatif et poétique et a abouti, en fin de compte, à un « mythe » tout à fait personnel, véritable délire allégorique, qui recélait une formule originale d’art et de méditation philosophique.

Tout naturellement les auteurs romantiques ont été amenés à surfaire la réelle valeur philosophique de cette œuvre littéraire. Peut-on même parler d’une œuvre « philosophique » chez Novalis ? Assurément non, si on entend par la philosophie une vision impersonnelle du monde, une « Weltanschauung », fondée sur une théorie raisonnée de la connaissance et sur une interprétation méthodique de la nature et de l’histoire. L’auteur des fragments philosophiques est de la famille de ces penseurs originaux, mais incomplets, de ces défricheurs d’énigmes intérieures, qui ne sortent jamais de la contemplation passionnée d’eux-mêmes et qui substituent arbitrairement leur intuition personnelle et géniale à l’effort méthodique de la pensée philosophique. Rêveurs prophétiques, improvisateurs brillants et fragmentaires, parfois aussi virtuoses prestigieux du Verbe, ils jonglent avec les hypothèses scientifiques les