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Page:Spenlé - Novalis.djvu/375

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ÉPILOGUE

ble pour l’autre. « Le jeune auteur » écrivait Hegel, mettant à nu la contradiction initiale et insoluble, « s’est laissé entraîner par une première invention brillante, mais il n’a pas vu combien une pareille conception est défectueuse, précisément parce qu’elle est irréalisable. Les figures incorporelles et les situations creuses se dérobent sans cesse devant la réalité, où elles devraient pourtant s’engager résolument si elles-mêmes prétendaient à quelque réalité. »[1] Après avoir pris pour point de départ les expériences les plus intimes et les plus individuelles, l’auteur en arrivait à chercher de plus en plus des sources factices d’inspiration dans des lectures théosophiques ou historiques, dans un univers allégorique et artificiel. Plus le héros se rapprochait de son idéal, plus il s’éloignait de la vie réelle et moins cet idéal devenait réalisable, ou tout au moins artistiquement représentable : tel est le cercle vicieux où l’œuvre reste emprisonnée.

À cet égard Henri d’Ofterdingen restera toujours singulièrement instructif, comme la mise en œuvre la plus réfléchie, la plus philosophiquement, combinée d’une donnée primitivement contradictoire, Car en dépit des plus belles théories abstraites, le roman pas plus que le théâtre ne se prête à cette esthétique transcendantale du rêve philosophique, à cette annihilation systématique de tout élément dramatique-social. Or c’était là, avons-nous vu, l’aboutissement nécessaire de toute l’esthétique romantique : en prenant son point d’appui en dehors de la vie réelle et active, en nous présentant tous les conflits extérieurs, tous les intérêts objectifs, toutes les formes historiques, concrètes et résistantes, comme de simples fantômes allégoriques, comme des illusions poétiques, l’auteur devait sentir la matière plastique se subtiliser peu à peu entre ses doigts et se dérober toujours plus l’intérêt humain, sans lequel une œuvre littéraire ne saurait vivre et subsister. Ni l’historisme

  1. Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik, Mærz 1828, p. 415.