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Page:Spenlé - Novalis.djvu/404

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

propos sur la littérature contemporaine. Goethe en arrive à parler de Novalis : « Il n’était pas encore un Impérator, mais il le serait devenu avec le temps. C’est dommage qu’il soit mort si jeune, d’autant plus qu’il s’était fait catholique, pour plaire à son temps. » (Goethe ou plutôt Falk confond ici Novalis avec son frère cadet, Karl von Hardenberg, poète lui aussi, qui s’était converti au catholicisme}. « Ne voit-on pas, si j’en crois ce que racontent les gazettes, des troupes entières de jeunes filles et d’étudiants se rendre en pèlerinage sur sa tombe et la couvrir de fleurs ? » Et Gœthe s’attend à lire sous peu la nouvelle de la canonisation de Novalis (Joh. Falk, Gœthe aus næherem persœnlichen Umgang dargestellt, Leipzig, 1836. p. 99 s.). En admettant même, ainsi que le suppose Tieck (Novalis Schriften, I, p. XL), que Goethe ne soit pas l’auteur du propos rapporté, il n’en reste pas moins là un indice curieux de la popularité croissante du jeune poète parmi la nouvelle génération.

Et en effet de 1802 à 1837 cinq éditions de ses Œuvres furent rapidement enlevées. En même temps Novalis prenait pour ainsi dire officiellement rang dans l’histoire littéraire. En 1827 paraissait l’Histoire de la littérature allemande de Wolfg. Menzel, ouvrage qui eut un grand succès, parce que c’était un des premiers travaux dans ce genre et surtout parce que l’auteur se faisait l’interprète des aspirations religieuses et patriotiques des « Burschenschaflen », c’est-à-dire de la jeunesse universitaire du temps. Gallophobe, antisémite, il se réclamait d’un certain idéal « germanique-chrétien » et menait une polémique inintelligente autant que passionnée contre l’« épicurien » Goethe, qu’il accusait d’immoralité et de lèse-patrie. À Goethe il opposait triomphalement les auteurs romantiques, particulièrement Tieck et Novalis. « Le romantisme allemand s’est opposé à la Révolution française — disait-il, — à ses effets et aussi à ses causes, c’est-à-dire à tout cet esprit moderne, dont la Révolution se donnait comme l’héritière » (Menzel, Geschichte der deutschen Litteratur, 1827, p. 132). En Novalis il saluait l’es-