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Page:Spenlé - Novalis.djvu/405

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LES COURANTS D’OPINION

théticien philosophe de la nouvelle école. « Assurément, si nous en jugeons par ses remarquables aphorismes, Novalis nous aurait donné le système le plus complet d’esthétique, animé d’un esprit romantique, métaphysique et mystique et ramenant toutes choses à Dieu et aux intérêts supérieurs » (op. cit. III, p. 168). Son roman allégorique Henri d’Ofterdingen est une véritable cosmogonie, une révélation mystique. « Il a conçu le projet immense de nous présenter l’univers entier sous un jour poétique, ou plutôt d’en montrer tous les aspects poétiques à la fois, de rassembler tout ce qui existe, la Nature, l’Esprit et l’Histoire dans un poème infini, d’édifier avec tous les matériaux artistiques imaginables un dôme colossal à la poésie… Comme un torse gigantesque ses œuvres gisent à nos pieds, morcelées avant d’avoir reçu leur forme définitive ; — on dirait un temple égyptien aux proportions gigantesques, qui s’élevant à peine de ses assises s’est écroulé à demi et dont les ruines restent encore chargées d’hiéroglyphes » (op. cit., IV, p. 160 s.).

En termes moins emphatiques un autre historien de la littérature, contemporain de la même génération, Vilmar, constatait la popularité de Novalis auprès de la jeunesse cultivée du temps et sa grande action éducatrice, qu’il estimait plus profonde encore et plus directe que l’influence exercée par les grands classiques. « L’effet produit par ces Pensées et ces Fragments — dit-il — est énorme. Particulièrement la jeunesse y a puisé jusqu’à nos jours une conception de la vie plus profonde et plus sérieuse, et cet enseignement s’est ici communiqué à elle d’une manière plus directe que par les meilleurs ouvrages des plus grands esprits. Les Fragments de Novalis ont servi comme de commentaire à tout ce qui se produisait d’excellent en poésie et en littérature, et ils conserveront encore longtemps cette vertu agissante » (Vilmar Geschichte der deutschen Litteratur, 22te Auflage, Marburg, 1886. p. 437 s.) — (Cet ouvrage n’est que le remaniement des cours professés par Vilmar à Marburg pendant l’hiver de 1843-1844.).