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Page:Spenlé - Novalis.djvu/414

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

On verra plus loin le problème religieux soulevé par l’œuvre de Novalis. Bornons-nous à indiquer à présent quelques-unes des attitudes nouvelles de la critique, provoquées par ce problème, qui venait de se poser soudainement devant elle. Il ne semble pas possible de contester que Frédéric Schlegel, converti depuis 1806 au catholicisme, ait obéi en publiant l’Europa de Novalis, à des arrière-pensées de prosélytisme rétrospectif. Même les critiques qui lui sont le plus favorables, comme M. Raich, ont été obligés de reconnaître le fait. « Une occasion plus belle pouvait-elle s’offrir à lui de se faire précéder, comme par une sorte d’éclaireur, par son meilleur ami Novalis et de montrer au public, dans cette dissertation sur la Chrétienté, les premiers symptômes de cette vie nouvelle qui devait, à partir de 1806, faire battre son propre cœur ? Un intérêt de ce genre, parfaitement légitime, a fort bien pu, pour une part, entrer dans la pensée de Frédéric Schlegel » (Novalis Briefwechsel, Mainz, 1880, p. 151). Ce Manifeste inédit de Novalis, (quelques fragments seulement avaient paru dans les premières éditions) fut aussitôt accueilli triomphalement par tout le parti romantique catholique et il s’en fallut de peu que l’auteur ne passât pour une sorte de « de Maistre allemand ». Très significatif à cet égard est un article de revue publié en 1831, en France, dans l’Avenir, par le comte de Montalembert. « Et certes — concluait le grand orateur catholique — c’est un évènement plus grand et plus singulier qu’on ne pense que l’existence d’un pareil écrit à une pareille époque et la postérité admirera avec raison comment, tandis que le faux libéralisme marchait invincible et impuni à la conquête du monde, il s’est élevé dans un coin obscur de la Saxe une voix solitaire de vaincu (?), pour prophétiser la chute et l’impuissance de ce géant, pour célébrer le grand édifice qui surgirait de ses ruines : une voix de protestant pour chanter les gloires méconnues et l’avenir éternel du catholicisme. Novalis eut un mérite que le comte de Maistre seul peut lui disputer, celui de sentir tout le vide et le