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Page:Spenlé - Novalis.djvu/419

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LES COURANTS D’OPINION

teint rosé dans les poésies de Novalis n’est pas la couleur de la santé, mais de la phtisie… » (H. Heine, Sæmmtliche Werke, Hamburg, 1861, VI, p. 174).

Le jugement de Heine à son tour a inspiré de nombreuses variantes. C’est la « légende » romantique qui renaît, mais cette fois-ci transcrite dans le langage de la pathologie. « Novalis — lisons-nous chez un autre écrivain de la Jeune Allemagne, Laube, — est l’incarnation juvénile de l’idéal romantique avec tout ce qu’il recèle de poétique et de maladif. Il était lui-même malade, mortellement malade, depuis sa première jeunesse, intérieurement consumé et comme transfiguré par les pâleurs fiévreuses de la nostalgie. Les germes d’une mort précoce et la constitution diaphane étaient héréditaires dans la famille et prédisposèrent ses organes au vol séraphique, embrasant tout son être d’une ardeur immatérielle… Il était pareil à l’oiseau du paradis, dont il est dit qu’il ne se pose jamais, mais qu’il plane, éternellement suspendu dans les hauteurs. » (Laube, Geschichte der deutschen Litteratur, Stuttgart, 1886. III, p. 152, s.).

Dans l’« Histoire de la littérature contemporaine » de Mundt (Geschichte der Litteratur der Gegenwart, Leipzig, 1858) on peut voir s’opérer déjà un rapprochement entre les représentants de la Jeune Allemagne et le premier romantisme, rapprochement déterminé en partie par l’échec des idées libérales en 1848, mais qui se trouvait déjà préparé par des causes intimes. À vrai dire les écrivains de la Jeune Allemagne étaient beaucoup plus qu’ils ne s’imaginaient les continuateurs de la première école romantique. Non seulement ils ont emprunté à celle-ci beaucoup de motifs et de formules artistiques, mais ils ont aussi repris certaines tendances morales qui s’y trouvaient déjà exprimées. Dans les premières dissertations esthétiques de Frédéric Schlegel. dans sa Lucinde et dans les « Lettres confidentielles » qu’écrivit au sujet de ce roman le théologien Schleiermacher, on découvrirait en germe les doctrines « émancipatrices » de la nouvelle génération. « C’est une erreur — écrivait Mundt