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Page:Spenlé - Novalis.djvu/422

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

qu’il ne se laisse pas résoudre dans l’humanisme s’appelle romantisme. En ce sens on peut dire que le principe du classicisme c’est l’humanisme et que le principe romantique c’est le christianisme (Ruge, Sæmmtl. W. op. cit., p. 7 ss).

À cet égard Novalis peut passer pour un des pères spirituels du romantisme. Sous une forme encore confuse et anarchique il en recèle tous les éléments essentiels ; il en a annoncé prophétiquement toutes les aspirations. « Novalis et, après lui, Schelling ont réagi, d’abord sans le savoir et ensuite très consciemment contre le principe libertaire de Fichte et ils sont les pères du romantisme… Tout ce dont Novalis portait en lui un pressentiment lyrique, ce que ses prophéties ont d’abord manifesté au grand jour et ce qu’il a exprimé sous forme de poésies, de Mærchen et d’aphorismes géniaux, Schelling s’est efforcé de l’élaborer en système » (ibid. p. 257). — Chez Novalis apparaît déjà cette confusion continuelle du conscient et de l’inconscient, de la réflexion abstraite et du sentiment, de la philosophie et de la poésie, qui va se substituer peu à peu à la réflexion consciente, au « Selbstbewusstsein » de Fichte. Cette confusion constitue proprement le « Gemüt » romantique. Car, d’une part, le « Gemüt » romantique c’est bien ce qu’il y a d’inconscient, d’irrationnel, de trouble dans la conscience, c’est l’élément « nature » dans la pensée ; mais, d’autre part, cet élément « nature » n’apparaît plus sous sa forme spontanée et naïve ; le sentiment est déjà « réfléchi » et tout en échappant à la raison il veut cependant se révéler dans les formes de la raison ; il est devenu philosophe, raisonneur, abstracteur de quintessences. « Ce qu’il y a de nouveau chez Novalis, c’est qu’il substitue d’une manière absolue le monde obscur et merveilleux du Gemüt à la réflexion consciente de Fichte… On voit se dessiner chez lui simultanément les deux aspects, le mysticisme — cette volupté théorique — et la volupté — ce mysticisme mis en pratique — et rien n’est plus intéressant que de suivre à la trace chez lui et d’approfondir leurs mutuelles affinités »