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Page:Spenlé - Novalis.djvu/429

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LES COURANTS D’OPINION

importance secondaire ou même mille. » (Hettner, op. cit. p. 8). La philosophie ne fut pour cette génération qu’un jeu d’esnril ; la religion se réduisit à une prédilection d’artiste, elle devint un passe-temps distingué pour sceptiques blasés. Sans doute il s’était préparé en Allemagne vers cette époque une renaissance religieuse, dont les écrits d’Hamann, de Jung Stilling, apportent des témoignages irrécusables. « Mais ces aspirations restaient isolées, en dehors des grands courants de la littérature. Le catholicisme mystique des romantiques n’entra avec elles en aucun rapport suivi. Il fut bien l’enfant de prédilection d’une génération sceptique » (ibid. p. 148). Le romantisme doit donc s’expliquer uniquement par l’histoire littéraire, comme une exagération du classicisme qui l’a précédé. Classiques ou romantiques, « le mal dont ils souffrent tous, c’est qu’ils ne sont pas les porte-parole de leur époque, c’est qu’ils ne se sentent pas emportés et soutenus par elle, mais au contraire entrent avec elle en un conflit conscient. Ils ont tous en commun le même faux idéalisme » (ibid. p. 12 s.). C’est ce faux idéalisme esthétique qui reçoit dans Henri d’Ofterdingen son expression la plus parfaite. « Ici nous touchons le point culminant du romantisme. L’idéalisme exclusif ne s’est plus jamais exprimé si radicalement et ne s’est si résolument substitué à la réalité. Le monde réel n’existe pas pour Novalis ; il ne vit que dans le monde merveilleux de ses rêves. Toutes les formes s’évanouissent. Les chants lyriques les plus doux s’entremêlent aux plus froides abstractions, jusqu’à ce que, — s’il faut en croire les esquisses de la seconde partie du roman — le tout finisse en une allégorie unique et confuse, comme en un gouffre sans fond » (ibid. p. 84).

Ainsi par un long détour — la critique de Hettner aboutissait à la même solution négative. Cependant, en dépit des condamnations portées par la critique savante, il était une partie de l’œuvre de Novalis qui continuait à vivre dans l’âme populaire allemande, parce qu’elle en ex-