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Page:Spenlé - Novalis.djvu/431

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LES COURANTS D’OPINION

dégager l’histoire littéraire du romantisme des légendes et des controverses doctrinales, qui jusqu’alors n’avaient abouti qu’à des jugements contradictoires et erronés. Pour cela ils ont voulu situer les œuvres qu’ils étudiaient dans l’ensemble des causes qui ont contribué à les produire. Le romantisme n’a pas été, pour eux, une simple doctrine littéraire, plus ou moins artificiellement élaborée dans le cerveau de quelques littérateurs ; il représente vraiment une étape dans la vie intellectuelle et morale de l’Allemagne, il offre un intérêt éducatif et historique. — « ein kultur-historisches Interesse » (Haym). Il faut comprendre d’abord les conditions historiques défectueuses dans lesquelles les auteurs de cette génération ont vécu, pour apprécier à sa juste valeur l’effort, malgré tout considérable, qu’ils ont fourni. « La première de ces circonstances — écrivait Dilthey dans son étude sur Novalis — et la plus importante, est d’espèce toute négative : c’est l’absence de toutes les impulsions puissantes, venues directement de la vie elle-même. Les sciences physiques se développent : mais il n’y a pas d’industrie pour en recueillir les résultats ; les découvertes ne coïncident avec aucun besoin pressant ; point de classe commerçante pour suivre avec intérêt les progrès de la science. Pareillement en face de la révolution philosophique se dressent comme des forces immuables la politique, l’éducation publique, la religion, et pourtant ce n’est qu’en agissant sur la vie sociale, morale et politique, que la spéculation peut se préserver comme une force saine… Une population pacifique, médiocrement fortunée, qui se contente, comme jamais aucune autre auparavant, d’une culture toute dirigée vers le dedans… Dans les limites étroites, où ils furent emprisonnés par toutes ces circonstances, les auteurs romantiques ont fourni un effort extraordinaire » (Preussische Jahrbücher, Berlin, 1865. — XV, p. 611).

Cet effort réellement encyclopédique n’apparut au grand jour que lorsque furent publiées successivement toutes les correspondances particulières de Tieck, de Schleiermacher,