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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

sa concepts historique du christianisme (p. 144) et même du socialisme (p. 205) et qui constituerait le fond caché de sa philosophie magique de la Nature (p. 154). Il y a là évidemment un problème psychologique intéressant, mais auquel les termes fatidiques de « Sehusucht » et de « Gemüt » ne sauraient donner une solution satisfaisante. Ces termes en effet n’expliquent pas une personnalité, puisqu’au contraire ils ne prennent de sens que par elle. Définir Novalis par le « Gemüt » c’est faire une pétition de principes ; dire de lui qu’il a été le poète de la « Sehnsucht » revient presque à formuler une tautologie.

Ainsi nous voyons le problème psychologique, que soulève la personnalité de Novalis, aboutir aux solutions les plus contradictoires. Selon leurs sympathies personnelles et aussi selon l’idée qu’ils se sont faite a priori d’un certain « type » romantique, les critiques ont de préférence fait ressortir l’un ou l’autre aspect de cette personnalité. Les uns, comme M. Busse, ont voulu voir en Novalis « un tempérament foncièrement gai, un jeune homme complètement sain ». Dans une introduction qu’il écrivait en tête d’une nouvelle édition populaire des poésies de Novalis, M. Blei forçait encore la note. Le jeune romantique est devenu chez lui un épigone de Gœthe. « Sa vie, sans qu’il s’en rendît lui-même bien compte, était conforme à l’idéal gœthien, qui est la jouissance active de la vie, sous quelque forme que celle-ci se présente » (Die Gedichte von Novalis. — Universal Bibliotek, Leipzig, Reclam, p. 9). La douleur même n’avait pas de prise sur lui, car « c’est là encore un trait gœthien de sa nature : il ne se sentait jamais malheureux ; un fonds d’indifférence et d’égoïsme optimiste l’a préservé de cette expérience. Donner à son moi intime une expansion harmonieuse, vivre la réalité : tel est le problème, posé par Gœthe dans Wilhelm Meister, et c’est là aussi, dès le début, la devise propre de Novalis, — avec cette différence que ce dernier n’hésite pas, comme le héros de Gœthe, troublé par des incertitudes intérieures, mais qu’il s’en va droit son