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Page:Spenlé - Novalis.djvu/472

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

en somme qu’un seul et même personnage, ce qui réduit singulièrement la portée de son argumentation. Le sujet véritable du roman, dit-il, « c’est l’histoire allégorique d’un poète idéal, histoire à laquelle le nom légendaire du poète médiéval Henri d’Ofterdingen ne fournit que le décor et qui tire sa substance de la destinée et de l’idéal de l’auteur lui-même » (ibid p. 32). — Une autre difficulté surgissait du reste, sur laquelle la « Nachlese » avait gardé le silence : le culte de Marie apparaît déjà dans les deux derniers Hymnes à la Nuit. M. Beyschlag suppose donc une évolution religieuse, qui se serait produite chez Novalis entre la composition des Hymnes à la Nuit et celle des Hymnes spirituelles (op. cit. p. 29-30). Mais si on songe que précisément les derniers Hymnes à la Nuit semblent être à peu près contemporains des cantiques chrétiens et qu’au moment où il composait les Hymnes à Marie, Novalis écrivait dans son « Europa » une glorification poétique du catholicisme médiéval et une critique acerbe du luthéranisme, « l’évolution » religieuse dont parle M. Beyschlag devient bien problématique.

Aussi semble-t-il que la critique protestante ait été amenée peu à peu à reconnaître la sincérité religieuse des Hymnes à Marie. On s’aperçut bientôt que le culte de la Vierge se trouvait trop intimement mêlé dans l’imagination religieuse de Novalis au culte de Jésus, pour qu’il fût possible de disjoindre ces deux figures et d’empêcher que les doutes élevés sur la sincérité des Hymnes à Marie n’atteignissent du même coup la sincérité des Hymnes à Jésus. « Le lecteur impartial — lisons-nous dans Schubart — aura l’impression que le sentiment qui a inspiré les Hymnes à Marie vivait chez le poète d’une vie aussi personnelle, aussi spontanée que le sentiment qui s’exprime dans les Hymnes à Jésus » (Schubart. op. cit. p. 188). M. Busse cherche bien encore à expliquer les Hymnes à Marie par des influences artistiques, particulièrement par des visites à la galerie de Dresde (Busse, op. cit. p. 63), mais, comme