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Page:Spenlé - Novalis.djvu/78

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NOVALIS

Ce n’est pas tout. Avec ces perceptions nouvelles s’éveillent aussi des facultés inexplorées, des facultés vraiment magiques de réaction volontaire. Ici se manifeste le pouvoir miraculeux de la « foi » : — car qu’est-ce que la foi si ce n’est une causalité insolite, imprévue, du mental sur le physique, de la vie volontaire et imaginative sur les fonctions organiques, nous dirions aujourd’hui, une « autosuggestion » plus ou moins consciente, douée d’une efficacité biologique ? « La foi », disait Novalis, « est une activité miraculeuse indirecte. Par elle nous pouvons à tout instant faire des miracles pour nous et parfois pour les autres, s’ils ont confiance en nous. » Et, anticipant la définition qu’ont proposée des psychologues contemporains de l’hystérie, de la « maladie à miracles » par excellence, il écrivait encore : « Il faut traiter partiellement les maladies comme un délire organique, ou plus exactement comme des idées fixes. »[1]

La foi, pour le mystique, est à l’origine de tout. Elle se confond chez lui avec la sensation même de la vie, elle est un mode affectif fondamental de sa cœnesthésie instable, sujette aux illusions fiévreuses et aux réactions extrêmes. Ce que nous appelons communément « le sens du réel » procède peut-être moins de nos activités intellectuelles que de nos activités volontaires ou de nos habitudes instinctives. La réalité c’est l’obstacle auquel nous nous heurtons, le choc contre lequel nous réagissons, l’objet qui sollicite notre désir ou la matière sur laquelle s’exerce notre activité. C’est sans doute ce qui fait que certaines maladies morales peuvent atteindre plus ou moins profondément le sens du réel, tout en laissant intactes les facultés de raisonnement ou de perception. De là aussi certaines formes maladives d’idéalisme, certains délires spéculatifs, certaines folies mystiques, véritables maladies supérieures de l’esprit, qui ne sont en dernière analyse que l’expression réfléchie de la désappropriation ou de l’altération de la vie instinctive.

  1. N. S. II, 1, p 342.