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Page:Spenlé - Novalis.djvu/97

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UN SUICIDE PHILOSOPHIQUE

vater, et parmi les plus zélés. Il était entiré en relations suivies avec une société spirite de Copenhague dont le président s’appelait Charles de Hesse et dont les membres, tous personnages influents, se recrutaient à la cour royale de Copenhague.[1] Herder aussi partageait ces croyances. « Il me dit », raconte son jeune ami, le suisse Georg Müller, frère de l’historien suisse du même nom, — « qu’il croyait que l’homme pouvait et devait avoir un commerce actif avec les Esprits des mondes supérieurs ». Il recueillait comme authentiques toutes les histoires de revenants, de pressentiments, de rêves prophétiques qui défrayaient les conversations de Weimar. Lui-même, à la suite d’une hémorrhagie de l’artère du pied, s’était vu pendant huit jours transporté dans un monde tout nouveau. « Il planait dans un éther fluide et vivifiant ; des vérités non encore contemplées se découvraient à ses yeux dans une splendeur inconnue ; il volait à travers la création entière. »[2]

Il n’y a donc aucune invraisemblance à supposer qu’une imagination aussi exaltée, qu’un tempérament aussi prédisposé que celui de Novalis aient été gagnés par la contagion du merveilleux. Dès les premières pages de son Journal il note des impressions vives, qui ressemblent à des commencements d’hallucination, à des rêves éveillés. « Ce soir, vive impression de sa mort », ou bien : « Ce soir j’ai vu son image très vivante, de profil, à côté de moi sur le canapé, avec un foulard vert ; dans des attitudes et des costumes caractéristiques elle m’apparaît le plus facilement. » Il se fait donner par la famille les objets usuels de la défunte, qui serviront de points de repère à ces évocations. Des journées entières il restait enfermé dans la pièce qui avait été la chambre mortuaire de sa fiancée. On finit par s’inquiéter de ces isolements prolongés. Un jour une sœur aînée de Sophie voulut en

  1. Sur les rapports de Lavater avec les spirites de Copenhague, voir le Journal de J. G. Müller, dans les « Protestantische Monatsblætter für innere Zeitgeschichte. » Gotha, 1859, Tome 2, p. 169 et suiv.
  2. Voir encore le Journal de J. G. Müller, cité plus haut, dans les « Protestantische Monatsblætter. » 1859. Tom. I, p. 188 et suiv.