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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/160

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filosofia nova


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Brissot manque à la vertu en déracinant de son cœur les passions qui le rendent malheureux, mais qui tendent au bien des hommes. Il conseille au philosophe de déraciner de son.cœur l’amour de la patrie et par conséquent l’amour de la République, parce que le système d’oppression gagne et finira par engloutir les Républiques. La Révolution française en est un exemple. Elle a fait périr Genève, Venise, Lucques, etc. Certainement si Alfieri avait déraciné de son cœur l’amour de la liberté, et par conséquent la haine des tyrans, il aurait été bien plus heureux, car toute haine est un grand mal. Mais eût-il laissé ces écrits si terribles aux tyrans, et par conséquent si utiles aux peuples ? Non. Il eût donc été moins utile aux hommes, il eût donc été moins vertueux.

Cette année (XII) je suis beaucoup plus heureux et beaucoup moins vertueux que l’année dernière. Alfieri m’avait tellement monté que je ne regardais les Tuileries qu’avec un mouvement de rage. Le feu de la haine brillait dans mes yeux. Ce château, disais-je à M[ante] me pèse sur les épaules. Je ne puis le souffrir, je m’en vais à Claix pour me délivrer de ce spectacle. Je ne suis pas si vertueux, me répondit M[ante], je n’aurais pas ce courage.