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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/219

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pensées

Dorante qui sait bien qu’il ment quand cela lui arrive :

2° ou l’habitude est devenue une deuxième nature, comme Cathos et Madelon qui ont tellement perdu le naturel de vue qu’elles ne peuvent plus le retrouver dans leur mémoire, faire de comparaison et, par conséquent reconnaître leur route pour la fausse.

3. Ou enfin, si je suis mauvais poète, un défaut de la tête qui n’est digne que de pitié, étant une espèce de folie. Tels sont le Distrait, l’Irrésolu, l’Étourdi, etc. J’ai renoncé à ce genre vicieux.

Reste les deux premiers. Si je donne à mon protagoniste comique la meilleure tête possible (à mes yeux), tout va encore bien. Je n’ai qu’à me passionner et me peindre moi-même. Dans ce cas cependant je leur prête ma tête qui a les habitudes de mon âme, ce dont, dans la nature, la leur s’éloigne dans la proportion où leur âme est éloignée de la mienne. Par exemple, ma tête ne va point avec l’âme de Tencin, difficulté à vaincre en peignant Chamoucy[1].

Mais si je ne lui donne pas une bonne tête (ce qui sera presque toujours puisque c’est par un défaut de la tête qu’un homme

  1. Chamoucy, personnage des deux Hommes, pièce à laquelle Beyle travaillait. N. D. L. É.