Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/103

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la musique. Un Italien ne peut chercher ni plaisir ni distraction dans la conversation ; un mot indifférent aujourd’hui peut le perdre dans dix ans. Voici une lumière qui éclaire les profondeurs du sujet.

27 mai. — Je rencontre, à Saint-Cyriaque, la cathédrale et l’ancien temple de Vénus, dont j’admirais la belle vue sur la mer, un général russe, un ancien ami d’Erfurt, qui vient de Paris. Quand un ministre, en France, a fait les visites et dit toutes les paroles gracieuses auxquelles les convenances l’obligent, le pauvre homme n’en peut plus. Il signe machinalement quatre cents dépêches ; pour discuter leur contenu, pour même en prendre une idée, fût-il un ange, cela lui est impossible.

Un trait du physique des Français, qui a beaucoup choqué mon Russe, c’est l’effrayante maigreur de la plupart des danseuses de l’Opéra. En effet, je m’aperçois, en y réfléchissant, que beaucoup de nos femmes à la mode sont extrêmement sveltes : elles ont fait passer cette circonstance dans l’idée de beauté. La maigreur est, en France, nécessaire à l’air élégant. En Italie, l’on pense avec raison que la première condition de la beauté