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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/115

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liberté. La conversation, chez nous, est abandonnée à des jeunes gens qui sortent du collège, ou à des ci-devant jeunes hommes, mais non, comme vous le dîtes toujours messieurs les Français, que nous manquions d’hommes de talent et de goût[1]. Nous n’avons qu’à fermer les chambres, et nous aurons, au bout de vingt ans, une société comme la vôtre. Pour moi, il me semble qu’on ne devrait pas tant se vanter d’avoir de jolis jardins anglais, lorsqu’on leur sacrifie toutes les terres labourables.

« Lorsque je vins en France, les Français trouvaient, dans l’agréable constitution de leur société, une compensation qui me semblait alors fort grande pour le manque d’un gouvernement libre[2]. J’eus la même sensation à Venise ; mais il fallait, que cela durât toujours. On citait alors, à Paris, le joli mot de Louis XV : Cela durera plus que moi. Il a eu raison tout juste.

« Chez nous, il ne faut pas s’attendre qu’un gros marchand de bière, ou qu’un maire de Londres, qui vient d’acheter son rotenborough (bourg-pourri), et qui

  1. Correspondance du duc de Nivernois en 1763.
  2. Sous Louis XVI, en 1781, le contrôleur général des finances Joly de Fleury définit le peuple français : un peuple serf, corvéable et taillable à merci et miséricorde.