Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/136

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du sens intérieur nécessaire pour comprendre le sublime de la redingote courte, des cheveux longs et du pantalon large, il me prouve au long les beautés de leur littérature. Je vois que les fiers Germains sont susceptibles comme des parvenus.

Les Allemands n’ont qu’un homme, Schiller, et deux volumes à choisir parmi les vingt tomes de Goëthe. On lira la vie de ce dernier, à cause de l’excès de ridicule d’un homme qui se croit assez important pour nous apprendre, en quatre volumes in-8°, de quelle manière il se faisait arranger les cheveux à vingt ans, et qu’il avait une grand’tante qui s’appelait Anichen. Mais cela prouve qu’on n’a pas en Allemagne le sentiment du ridicule, et quand on n’a pas ce sentiment, et qu’on veut à toute force faire de l’esprit, on est bien près de tomber dans ce qu’on ne connaît pas ; et quand on s’avise de juger de l’esprit des autres et de décider, du haut de son tribunal tudesque, que Molière n’a fait que des satires tristes, on est bien près de faire rire l’Europe à ses dépens.

En littérature, les Allemands n’ont que des prétentions : eux aussi ne seront quelque chose qu’après la liberté ; mais c’est le contraire des Italiens ; ils veulent y arriver avec tant de science qu’ils y parviendront les derniers. Ce sont les