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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/140

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pour qui ne voit pas le moral. Pour moi, je dirai toujours : Vive le despotisme de l’ancien gouvernement de Venise ! Je trouve un voyageur français qui m’est recommandé. Quels singuliers êtres ! Pour que le rôle de fat fût passable, il faudrait qu’au lieu d’affecter la satiété de toutes les jouissances, ils en eussent les transports. Les Français passent par là dans leur jeunesse ; il leur en reste un vernis de satiété. Les Italiens, au contraire, se livrent avec transport à la jouissance présente, et les transports de mon voisin augmentent les miens : il y a sans doute un effet nerveux. Mon Français m’a séché à fond pendant trois jours. J’ai été ravi de le voir partir. Sa présence est le plus grand malheur qui me soit arrivé pendant mon voyage. J’étais dans les cieux ; il me tiraillait de toutes ses forces pour me ramener à terre. J’écris ceci dans la barque courrière, vis-à-vis de Stra. Je m’arrête pour voir ce joli palais volé aux Pisani par Buonaparte[1].

  1. Je ne sais pourquoi Buonaparte voulait écraser les nobles de Venise, qui sont les meilleurs gens du monde, et faisait tant d’avances aux Piémontais, qui se moquaient de lui. Il avait si peu lu, que je parie qu’il était trompé par ce mot de république. Les nobles de Venise étant maîtres de l’État se faisaient grâce de l’impôt. Buonaparte eut l’idée de réclamer tout cet arriéré. Les Pisani se trouvèrent devoir une somme énorme, et on leur prit leur beau palais de Stra.
    On m’y présente à M. Brocchi, de Milan, le premier géologue