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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/57

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Lugano[1]. Voilà la maudite clarté française qui envahit la Lombardie.

Ce pays est à un siècle en avant de Rome et de Naples, et à trente ans au moins en avant de Florence. Dans vingt ans, lorsque les vieillards élevés par les jésuites ne seront plus, la nuance sera encore plus tranchante ; d’un autre côté, l’on publie en milanais des ouvrages du premier mérite[2]. Que va donc devenir

  1. On peut remarquer, en passant, l’avantage d’avoir un gouverneur homme d’esprit. On se rappelle ce que le livre de M. de Pradt contient sur l’Italie et l’Autriche. M. de Saurau n’a pas hésité à en permettre la vente et la traduction. On voit bien qu’il n’y a pas de justice en ce pays.
  2. EL DI D’INCŒU,
    vision.

    L’era ona noce di più indiavolaa
    Scur come in hocca al loff ; no se sentiva
    Una pedana.......
    ..........
    E’l pover merit che l’èminga Don
    Te me l’hann costringiuu là in don canton.

    Il y a plus de véritable poésie dans cet ouvrage que dans tout ce qu’on a publié en France depuis les Métamorphoses de M. Lemercier. Jamais satire contre un gouvernement ne fut plus sanglante, plus méritée, et l’on peut dire plus dangereuse. Comme ce poëme est aussi frappant par le pittoresque de la fiction (l’ombre de Prina apparaît à un bourgeois qui traverse le cimetière où il repose, et lui demande ce que Milan a gagné à l’avoir assassiné), que par le mordant des épigrammes, il s’en répandit deux mille copies en huit jours.

    « Si la police, disait-on, à quelque preuve contre le malheureux poëte, il ira pourrir, le reste de sa vie, dans un cachot de Mantoue. » L’auteur, qui est fort jeune, faisait le nigaud tant qu’il pouvait dans le monde. Il commençait à respirer, lorsqu’un beau jour on arrête deux de ses amis.