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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/84

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le sien. Sa maîtresse est une des plus jolies femmes d’Italie, et si capricieuse, avec des fantaisies si étranges et si gaies, qu’il faudrait être bien sot pour trouver l’ennui auprès d’elle.

Le comte Neri m’a pris en particulier, au fond du jardin, pour que je lui fisse le récit de la campagne de Moscou, la carte sous les yeux. J’ai pris avec moi deux officiers qui avaient été là-bas. Je lui ai dit qu’il n’y avait rien eu de si simple, et que ce n’était qu’à Paris que j’avais commencé à me figurer que je venais d’échapper à un grand péril. Tant que nous sommes morts de faim, jusqu’à la Bérésina, il ne faisait pas trop froid : dès qu’il a gelé à pierre fendre, nous avons trouvé de quoi vivre dans les villages polonais. Du reste, si le prince Berthier avait eu le moindre esprit d’ordre, si Buonaparte avait eu le courage de faire fusiller deux soldats chaque jour, il n’aurait pas perdu 6,000 hommes dans toute la retraite. Je parle deux heures.

Pour me récompenser de cet acte de complaisance, qui me rappelait des souvenirs si pénibles, le comte me dit : « Vous paraissez curieux de l’effet produit par les tragédies d’Alfieri sur les cœurs italiens : demain je vous apporterai un petit compendio (abrégé) que je n’ai jamais