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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/101

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Puisque j’ai parlé de mon page, — il se nommait Paul, — je dirai quel il était : un vaurien, un franc vaurien, mais joli à croquer, et d’instinct entré dans le rôle qu’indiquait son appellation. Tout en se tenant droit derrière ma chaise, tout en me versant à boire et en me changeant d’assiettes, il s’oubliait à rêver et soupirait, comme d’amour, pour la petite châtelaine. Un jour, il avait dit, parlant de ma peau fine : Mademoiselle Marie est blanche comme du sucre ; on juge si ce mot fit rire. Ma mère riait moins quand, d’ébahissement, notre page amoureux laissait choir, en me regardant, verre, assiette ou carafe. Mais cela n’était pas pour me déplaire, et je ne décourageais mon page, il faut bien le dire, ni par la moquerie ni par le dédain.

J’ai dit mes amitiés avec le chien d’arrêt. C’était entre nous de la bonne camaraderie, qui se fondait sur notre commune passion pour la chasse et pour mon père ; mais ce n’était rien de plus. Un incident extraordinaire me donna bientôt, dans la race canine que j’affectionnais, une prédilection plus tendre, une amie romanesque comme je l’étais moi-même sans le savoir, une amie comme il me la fallait, exclusive, toute à moi seule.

Pendant l’année que nous avions passée à Francfort, la belle chienne d’arrêt de mon père, Diane, effrayée ou indignée de l’occupation du Mortier par les officiers