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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/81

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tienne ! » À la distance où l’on était de la vieille dame de Bethmann, on se croyait à l’abri de ses colères, ou plutôt on n’y pensa pas. Tout alla donc ainsi sans conteste ; la première communion où la chose devait se déclarer étant encore lointaine, on n’en parla plus ; et, quand je vins à Francfort, je ne me savais pas plus catholique ou protestante que je ne me sentais Allemande ou Française. Mais la bombe éclata, comme on va le voir. Mon aïeule, je crois l’avoir dit, était une huguenote d’ancienne roche, à cheval sur les saintes écritures et les confessions de foi. Soupçonnant, peut-être, la défection de sa fille, et craignant de sa part quelque feinte, elle dissimula de son côté jusqu’au jour où, seule avec moi et sa dame de compagnie, n’y pouvant plus tenir, elle s’attaqua vivement à ma candeur, et me fit à brûle-pourpoint cette interrogation inattendue : « Du bist doch nicht Katholisch ? tu n’es pas catholique, j’espère ?… » Je ne sais ce que je murmurai entre mes lèvres. « Ich versteh dich nicht, je ne te comprends pas, » reprit ma grand’mère, d’un ton impérieux. « Die Katholiken hass ich, je hais les catholiques, » ajouta-t-elle avec un accent foudroyant, et de l’air dont elle m’aurait donné sa malédiction. La dame de compagnie épouvantée se hâta, à tout hasard, d’affirmer que je n’étais pas catholique. Quant à moi, sans comprendre comment et pourquoi on devait haïr les catholiques, je sentis d’instinct qu’en