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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/41

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Par tout je crois voir encore ma Tullie. Je crois l’entendre ; — je crois lui parler. — Mais dès qu’il eut ouvert les trésors de la philosophie, dès qu’elle lui eut appris la quantité de choses excellentes qu’il y avoit à dire sur ce sujet, — on ne sauroit croire, dit ce grand orateur, combien, en un instant, je me trouvai heureux et consolé.

Mon père étoit aussi vain de son éloquence, que Cicéron pouvoit l’être de la sienne ; et je commence à croire qu’il avoit raison. — L’éloquence étoit en vérité son fort ; — c’étoit son foible aussi. — Son fort ; car la nature l’avoit fait naître éloquent. — Son foible ; car il en étoit dupe à toute heure.

Excepté dans ce qui contrarioit trop fort ses systèmes, dès que mon père trouvoit une occasion de déployer ses talens, ou de dire quelque chose de sage, de spirituel ou de fin, il étoit souverainement heureux. — Un événement agréable qui ne lui laissoit rien à dire, ou un événement fâcheux sur lequel il trouvoit à parler, revenoient à-peu-près au même pour lui. — Bien plus, si l’accident n’étoit que comme cinq, et le plaisir de parler comme dix, mon père y gagnoit moitié pour moitié, et préféroit l’accident.