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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/42

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Ce fil servira à débrouiller ce qui autrement sembleroit contradictoire dans le caractère de mon père. — Il expliquera comment, dans les petites impatiences qui naissoient des négligences inévitables, ou des étourderies de ceux qui le servoient, sa colère, ou plutôt la durée de sa colère, étoit toujours à rebours de toutes les conjectures.

Il avoit une petite jument favorite, dont il souhaitoit beaucoup d’avoir de la race. Il l’avoit confiée à un très-beau cheval arabe, et il avoit destiné à son usage le poulain qui devoit en naître. — Mon père étoit ardent dans ses projets. Tous les jours il parloit de son cheval futur avec une confiance, une sécurité aussi entières, que s’il eût été déjà dressé, bridé, sellé, et devant sa porte tout prêt à être monté. — Il défioit d’avance mon oncle Tobie à la course. — Au bout du terme, la jument fit un mulet, et le plus laid mulet qu’il y eût en son espèce.

Il y avoit sûrement de la faute d’Obadiah. — Ma mère et mon oncle Tobie s’attendoient que mon père alloient l’exterminer, et que sa colère et ses lamentations n’auroient point de fin. — « Regardez, coquin que vous êtes, s’écrioit mon père, en montrant le mulet ;