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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/103

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Il sera prêt dans un moment, Monsieur, dit-elle… Et pendant ce moment, je voudrois, moi, vous dire combien je suis sensible à toutes vos politesses. Il n’y a personne qui ne puisse, par hasard, faire une action qui annonce un bon naturel ; mais quand les actions de ce genre se multiplient, c’est l’effet du caractère et du tempérament. Si le sang qui passe dans le cœur est le même que celui qui coule vers les extrémités, je suis sûr, ajoutai-je en lui soulevant le poignet, qu’il n’y a point de femme dans le monde qui ait un meilleur pouls que le vôtre… Tâtez-le, dit-elle en tendant le bras. Je me débarrassai aussitôt de mon chapeau ; je saisis ses doigts d’une main, et j’appliquai sur l’artère les deux premiers doigts de mon autre main.

Que n’as-tu passé en ce moment, mon cher Eugène ! Tu m’aurois vu en habit noir, et dans une attitude grave, aussi attentivement occupé à compter les battemens de son pouls, que si j’eusse guetté le retour du flux et du reflux de la fièvre. Tu aurois ri, et peut-être moralisé sur ma nouvelle profession… Hé bien ! je t’aurois laissé rire et sermonner à ton aise… Crois-moi, mon cher Eugène, t’aurois-je dit, il y a de pires