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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/373

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je boive. Et comme elle allait la chercher, il la rappela et lui dit : Apportez-moi, je vous prie, un morceau de pain dans le creux de votre main ; et elle répondit : Comme le seigneur ton Dieu est vivant, je n’ai point de pain, mais seulement une poignée de farine dans un baril, et un peu d’huile dans une cruche. Vois, je vais ramassant quelques broussailles pour la cuire, la manger avec mon fils, et puis mourir. Et Elisée lui dit : Ne craignez rien, allez et faites ce que vous avez dit, mais préparez-moi d’abord un petit gâteau, apportez-le moi, et après cela vous en ferez un pour vous et votre fis : car le dieu d’Israël a dit : le baril de farine ne se désemplira point, et la cruche d’huile ne tarira pas jusques au jour que j’enverrai la pluie sur la terre. La véritable charité ne veut pas chercher des excuses, et il s’en présentoit ici beaucoup. La veuve auroit pu insister sur la situation qui lui lioit les mains, et sur le peu de raison de la demande du prophète ; elle auroit pu dire qu’elle se trouvoit réduite à la dernière extrémité, et qu’il répugnoit à la justice et à la loi de la nature, qu’elle dérobât à son fils son dernier morceau pour le donner à un étranger.