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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/233

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Le Mourant. — Non.

Le Samaritain. — Quoi ? Ne secoue pas le front. Nul ne te parlera. Tu seras seul. Vois, les femmes se sont retirées. Ma vieille nourrice baignera tes pieds sanglants. On mettra du baume sur ta plaie. Et tu prendras enfin du repos.

Le Mourant. — Pourquoi veux-tu que je vive ? Pourquoi passer encore le seuil d’une vie ? Pourquoi entrer dans ta demeure ? La mienne est détruite. Le foyer est éteint pour jamais.

Le Samaritain. — Je t’offre donc le mien. Ici, tu seras aimé dans le silence. Tous ont appris le respect de la douleur. Elles-mêmes, les humbles et douces bêtes pressentent la pitié. Pour toi, le chien n’a pas aboyé. Et le cheval n’est plus la bête aveugle qui s’effraie, mais le patient serviteur qui attend.