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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/204

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core de l’élévation de son fils que du dépit que cette élévation pouvait causer aux parents de Maurice ; aussi M. Dumirail, s’adressant à madame San-Privato :

— N’oublie pas, ma sœur, que, lorsque tu seras expropriée, complétement ruinée… ce qui ne saurait beaucoup tarder… tu trouveras ici un accueil fraternel, les égards qui te sont dus, et une existence sinon brillante, du moins paisible, et, je l’espère, aussi heureuse que tu pourras le désirer, si enfin, et j’y compte, la raison t’est venue… avec l’âge, car il est plus que temps, ma pauvre Armande, de songer à tes cinquante ans bien sonnés !… — ajouta tout bas M. Dumirail en aidant madame San-Privato à monter en voiture.

Celle-ci reprit, avançant ensuite sa tête à la portière :

— Adieu, cher frère, je n’oublierai jamais ton excellent accueil, tes dernières et sages paroles, ainsi que tes offres pour l’avenir ; si j’en profite, j’espère retrouver ton fils ce qu’il est aujourd’hui, crevant de santé, fort comme ses bœufs et toujours Gros-Jean comme devant… Ah ! j’oubliais… Si tu désires m’écrire, adresse tes lettres tout simplement à l’ambassade de Naples, à Paris ; car, mon fils et moi, nous habiterons probablement l’hôtel en l’absence de M. l’ambassadeur.

— Adieu, cher oncle, — ajouta San-Privato se penchant aussi à la portière de la voiture.

Puis, s’adressant à Charles Delmare, debout sur le perron, à côté de M. Dumirail :

— Adieu, cher monsieur ! Soyez assez bon pour ne point oublier le petit service que j’attends de votre toute gracieuse obligeance.

Charles Delmare s’inclina.

— Mon neveu, — dit M. Dumirail d’un ton contenu, — si tu vois M. de Morainville au ministère, tu lui diras mille choses de ma part, et que je lui écrirai très-prochainement.

— Oui, mon oncle.

— Adieu, mon garçon ! adieu, ma sœur ! — reprit M. Dumirail ; — bon voyage !

En ce moment, le courrier, enfourchant son bidet, s’approcha de la portière de la voiture, sa casquette galonnée à la main, et dit à San-Privato :

— Son Excellence s’arrête-t-elle en route ?

— Non, et vous payerez largement les guides ; je veux arriver le plus promptement possible à Paris.

— Son Excellence sera obéie, — dit le courrier.

Puis, s’adressant aux postillons :