regret très-louable de voir notre fils, qui s’est peut-être abusé sur sa véritable vocation, végéter ici obscurément, tandis que, grâce à son intelligence, il aurait pu, autant et mieux que personne, prétendre à une haute position sociale.
— C’est possible, mais…
— Non-seulement cela est possible, mais c’est plus que probable.
— D’accord, mon ami. Il est donc probable que…
— Tu pourrais même dire : « Il est certain que Maurice, doué comme il l’est, aurait pu et peut prétendre à tout. »
— J’y consens ; mais enfin, par goût, il a préféré suivre ton exemple, mon ami, et…
— Il a préféré, il a préféré, c’est bientôt dit ; quelles preuves avons-nous de cette préférence ?
— Ne l’entendons-nous pas répéter, chaque jour, qu’il ne veut jamais quitter nos montagnes ?
— Parce qu’il ne connaît rien au delà de notre horizon borné.
— Qu’importe ! mon ami, puisque cet horizon, si restreint qu’il soit, convient à Maurice ?
— Cela lui convient aujourd’hui ; qui sait si demain cela lui conviendra ?
— Tout fait supposer que…
— Une supposition, ma chère Julie, n’est pas une certitude…
— Non sans doute ; cependant je…
— Enfin, il ne t’est jamais venu, non plus qu’à moi, la pensée de contrarier la vocation de notre fils, n’est-ce pas ?
— À Dieu ne plaise !
— S’il avait voulu embrasser quelque carrière que ce fût, nous n’eussions mis à ce désir aucun empêchement.
— Aucun ; mais…
— Ainsi, admettons qu’il veuille, comme son cousin, embrasser la carrière diplomatique, t’y opposerais-tu ?
— En vérité, mon ami, cette question est tellement en dehors de nos prévisions, de nos espérances, qu’elle me surprend profondément.
— Enfin… réponds à ma question…
— Eh bien ! mon ami, je ne m’opposerais pas à la nouvelle vocation de mon fils si elle était véritable ; mais je tâcherais de l’en détourner.
— Pour quelle raison ?
— Parce que tous nos projets seraient bouleversés ; il faudrait peut-être nous séparer de Maurice, ajourner l’époque de son mariage avec Jeane…