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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/259

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XLVIII

Ce jour-là, vers les trois heures de l’après-midi, la baronne de Hansfeld devisait dans son boudoir avec un homme jeune encore, très-élégant, très-agréable, M. Richard d’Otremont.

Nous l’avons dit, la rare beauté d’Antoinette, alors dans son complet épanouissement, brillait d’un luxe incomparable ; son épaisse et fine chevelure, d’un noir de jais comme ses sourcils, et ses yeux d’une grandeur presque démesurée, contrastaient avec sa carnation, d’une blancheur fraîche et rosée ; sa taille, svelte et souple, était admirablement proportionnée, malgré son léger embonpoint, qui devenait un charme de plus ; sa main accomplie valait son pied : le goût exquis de sa toilette complétait le séduisant ensemble de sa personne ; mais l’attrait principal et singulier de cette dangereuse créature consistait en une sorte de rayonnement sensuel, de radiation voluptueuse qui émanait d’elle, de même que le fluide électrique se dégage de certaines organisations animales.

L’action pour ainsi dire magnétique de l’atmosphère de sensualité qui semblait entourer, baigner Antoinette était telle, que les gens même les plus calmes, les plus froids, ressentaient, à divers degrés d’intensité, d’irrésistibles enivrements.

Ce phénomène, très-indépendant de la beauté, puisqu’il se produit souvent chez des femmes laides ; ce phénomène, encore inexpliqué quant à son principe, mais flagrant quant à ses effets, et plus fréquent qu’il ne le semble au premier abord, fait parfaitement comprendre le pourquoi de ces égarements, de ces entraînements, de ces passions invincibles et en apparence inconcevables causés par certaines femmes, belles ou laides, sottes ou spirituelles, et à quelque condition sociale qu’elles appartiennent, et répond péremptoirement à cette question maintes fois formulée : « Comment se fait-il, comment est-il possible et croyable que cet homme soit à ce point affolé de cette femme, de qui la laideur, ou les