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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/280

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Elles s’alarment si facilement, les mères ! et, par cela même qu’à votre âge, mon ami, vous devez jouir d’une certaine liberté d’action, il ne faut jamais en abuser.

— Combien vos conseils me touchent ! Ah ! vous dites vrai, la plus tendre des sœurs ne me parlerait pas autrement !

— Un mot encore. J’ai voulu que vous fussiez admis au club de M. d’Otremont, parce que, là, vous vous trouverez de prime-saut en relations avec l’élite des jeunes gens du monde. Or, voyez-vous, Maurice, souvent un jeune homme s’adonne à de mauvaises relations ou se perd faute d’occasions de fréquenter la bonne compagnie. À Paris, tout dépend, mon ami, de la nature des premières liaisons que l’on forme. M. d’Otremont est un galant homme dans toute l’acception du terme, vous pouvez être en toute confiance avec lui.

— La franchise, la cordialité de son accueil m’ont touché ; mais cet accueil, c’est bien moins à moi qu’à vous, madame, que je le dois… M. d’Otremont est de vos amis, il a voulu vous être agréable en me témoignant tant de courtoisie.

— Disons la vérité : il a été enchanté de vous, Maurice, et votre conquête est d’autant plus flatteuse, que M. d’Otremont, naturellement froid et réservé, se livre peu et se montre très-difficile dans le choix de ses relations. Je termine par une remarque peut-être puérile à vos yeux, cependant elle a son importance, puisqu’il nous faut accepter tel quel le monde où nous vivons. Souffrez donc qu’une sœur entre dans le détail de ces questions économiques. Je vous enverrai demain matin les fournisseurs à la mode, depuis le joaillier jusqu’au tailleur. Il n’en coûte guère davantage d’être vêtu avec une élégance de bon goût que de subir les modes ridicules dont vous affublent certains marchands. Enfin, sans exagérer la recherche de soi-même jusqu’à la fatuité, il est bon de mettre en valeur les avantages physiques dont on est heureusement doué. Or, mon cher Maurice, et ces mots d’une sœur à un frère n’ont rien d’exorbitant, vous avez une belle et noble figure, votre taille est admirablement bien prise… et…

— Madame, — dit Maurice rougissant de confusion, — épargnez-moi, par pitié !

— Demandez à votre chère et digne mère ou à votre charmante fiancée si elles ne sont pas de mon avis… Vous gardez le silence ? Je m’y attendais… vous n’avez rien à répondre à cela. Donc, je reprends. Le tailleur à la mode vous mettra physiquement fort en valeur, et vous n’aurez plus rien à envier à ces jeunes gens de qui l’élégance vous désespérait hier, lors de votre promenade aux