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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/289

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cocher anglais à perruque, immobile sur son siège à housse largement armoriée, pouvait à peine contenir la fougueuse impatience. Maurice, après avoir jeté un regard admiratif sur cette voiture, traversa la cour de l’hôtel en redressant sa grande taille, se cambrant triomphalement sur ses hanches et se disant, l’ingénu :

— Cette adorable femme, entourée de tous les prestiges d’une opulence presque royale, m’aime passionnément, follement ! Mais je suis et serai fidèle à Jeane, ma fiancée !


LIV

Maurice, en quittant l’hôtel de madame de Hansfeld, marcha d’abord, — ainsi que l’on dit, — sur les nues ; il ne touchait pas terre ; il regardait parfois les passants avec une expression d’autorité ou de supériorité singulière ; ses larges poumons, épanouis, dilatés, aspiraient à pleines bouffées l’air parisien ; il se rappelait les moindres circonstances de son entretien avec cette enchanteresse, dont la ravissante image semblait voltiger devant lui et lui sourire. Cependant, loin d’oublier sa fiancée, il évoquait de nouveau son souvenir et se disait :

— Ô ma Jeane bien-aimée, je crois que je t’aime davantage encore ; cette sensation de trouble brûlant, ce vertige, cette ivresse que, pendant quelques instants, m’a causés la beauté d’Antoinette, redouble, par la puissance même du contraste, cette sensation suave, sereine, qui semble rafraîchir, embaumer ma pensée lorsque je songe à toi !… Ô ma Jeane ! dis, qu’a de commun la rose avec le diamant ? Ne peut-on admirer le scintillement de l’un et aspirer le doux parfum de l’autre ? Aimer Jeane comme la future compagne de ma vie, être aimé d’Antoinette avec la tendresse d’une sœur, est-il un sort plus digne d’envie ? Voir, pour ainsi dire, à mes pieds, à moi, rustique montagnard, cette femme charmante qui me donne des conseils si sages, si sérieux, si tutélaires, qu’on les croirait dictés par ma mère, ma mère, de qui Antoinette