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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/311

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s’expliquer encore la cause de l’évidente malveillance de sa mère et de Jeane au sujet de madame de Hansfeld.

— Je ne connais pas cette dame… et je ne puis savoir si, en effet, elle est douée de toutes les qualités de l’âme, — reprit madame Dumirail. — Cependant, mon ami, je trouve, ainsi que Jeane, assez singulier que, durant une conversation de trois heures, elle n’ait pas fait allusion à son mari ou à son veuvage.

— C’est que probablement elle est veuve depuis quelques années, — répondit Maurice.

Puis, voulant rompre un entretien qui le mettait au supplice et craignant de voir la patience lui échapper, il reprit :

— Ma bonne mère et toi, Jeane, parlons, si vous le voulez bien, d’un sujet qui vous intéresse autant que moi, de mes travaux, de mes études, de l’emploi de mes journées, enfin de l’organisation de notre existence à Paris.

— Soit, mon enfant, — dit madame Dumirail sentant qu’il lui serait sans doute en ce moment impossible de pénétrer le secret que voulait garder Maurice au sujet de sa longue entrevue avec madame de Hansfeld, — soit, mon enfant ; aucun entretien ne saurait nous être plus agréable que celui que tu me proposes.

— Eh bien ! donc, mère, commençons par l’emploi de ma journée : le matin, à neuf heures, je me rends au ministère des affaires étrangères, où je travaille, dans le bureau de M. de Morainville, jusqu’à quatre heures.

— À merveille, mon ami ; tu le sais, tant que je l’ai pu, j’ai lutté, ainsi que notre chère Jeane et toi-même, contre les idées de ton père au sujet de la nouvelle carrière qu’il désirait te voir embrasser ; ces idées, tu as fini par les partager : c’est un fait accompli ; il faut donc maintenant tirer tout le parti possible de la situation ; mes encouragements ne te manqueront pas.

— Je compte sur tes bontés, chère mère ; j’espère que tu seras satisfaite de moi ; je suis résolu à travailler assidûment, à m’élever par mon mérite et à rapprocher ainsi l’époque de mon mariage avec toi, ma bien-aimée Jeane !… — ajouta Maurice cherchant du regard celui de la jeune fille et espérant apaiser sa méchante humeur au sujet de madame de Hansfeld.

Mais Jeane tint ses yeux baissés ; un sourire douloureux erra sur ses lèvres, et elle répondit :

— Que de choses se passeront d’ici là, Maurice !

— Sans doute, chère Jeane ; mais chaque jour me rapprochera de cette époque fortunée ; le temps s’écoulera donc plus vite que nous ne le pensons, bonne mère ; or, afin d’en revenir à l’emploi