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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/321

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— Ma mère… de grâce !…

— Vous ne sortirez pas !

— Je t’en prie, ma mère ! Réfléchis que je ne suis plus un enfant.

— À tout âge, vous devez m’obéir.

— Lorsque tes ordres seront équitables, je les respecterai toujours, ma mère ; mais, en cette circonstance, il n’en est pas ainsi.

— Vous osez…

— Je désire m’absenter pendant quelques instants ; je reviendrai bientôt, je te le promets.

— Quoi ! malgré ma défense ? — s’écria madame Dumirail exaspérée, voyant son fils prendre son chapeau et se diriger vers la porte. — Malheureux enfant ! arrêtez !… je…

Elle n’acheva pas. Maurice sortit brusquement, et sa mère, portant sa main à ses yeux, murmura d’une voix éplorée :

— Mon fils est perdu !

Jeane, devenue pâle comme une morte et se sentant défaillir, se rapprocha lentement de la fenêtre, vit son fiancé monter précipitamment dans la voiture, qui bientôt s’éloigna rapidement, et, le suivant d’un regard morne et sombre, la jeune fille dit sourdement :

— Adieu, Maurice ! et pour toujours, adieu ! Je t’ai aimé fidèlement, loyalement ; mais je ne suis pas de celles qui supportent le mépris ! Tu viens de tuer mon amour, c’est fait de lui ! Adieu, Maurice, et pour jamais, adieu !


LXIII

Le lendemain de cette soirée où madame de Hansfeld vint, pour ainsi dire, enlever Maurice sous les yeux de sa mère et de sa fiancée, qui l’attendirent durant toute la nuit, en proie à d’inexprimables angoisses, il regagnait en fiacre, vers neuf heures du matin, l’hôtel des Étrangers.