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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/339

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Telles devaient de plus en plus visiblement se manifester, chez Jeane, les conséquences de sa jalousie et de ses justes griefs contre Maurice. Certaine de ne pouvoir plus cruellement se venger de lui qu’en affectant de subir de nouveau l’attrayante influence de San-Privato, elle ne luttait plus contre le penchant fatal, se croyant toujours maîtresse de le refréner à temps.

La vengeance de Jeane devait dépasser ses prévisions. Elle ignorait, nous l’avons dit, le revirement salutaire opéré dans l’esprit de Maurice à la voix de sa mère et à la pensée du chagrin mortel où son inconduite plongeait sa fiancée. Mais, lorsqu’il la vit apparaître souriante, ironique et dédaigneuse ; mais, lorsqu’il l’entendit se féliciter du plaisir extrême qu’elle venait d’avoir à entretenir tête à tête son cousin San-Privato, les bonnes résolutions de Maurice s’évanouirent ; il se révolta contre l’idée d’aller dans la retraite vivre avec Jeane, qui osait lui avouer le retour de sa sympathie pour un homme qu’elle écrasait naguère de ses mépris, après avoir ressenti pour lui un attrait dont elle rougissait comme d’une honte. Le sort en fut jeté.

Maurice, un moment encore indécis entre le bien et le mal, entre l’influence de sa mère et l’influence de madame de Hansfeld, s’abandonna aveuglément, sans réserve, à cette dernière, et par entraînement sensuel, et dans l’espoir de porter à Jeane un coup aussi affreux que celui dont elle le frappait lui-même.


LXIX

« Notre cher et aimable cousin San-Privato, avec qui j’ai eu le plaisir de m’entretenir depuis son arrivée, désirerait vous voir ma bonne tante. »

Telles avaient été les paroles de Jeane à madame Dumirail. Celle-ci les entendit à peine, absorbée qu’elle était par la pensée de l’heureux revirement opéré dans les projets de son fils ; aussi s’écria-t-elle :

— Jeane, réjouis-toi ! nous partons tout à l’heure, avec Mau-