bien ces paroles… — ajouta Charles Delmare ne quittant pas des yeux son ami, — pesez bien, dis-je, ces paroles : Maurice Dumirail est fils unique, son père et sa mère sont âgés et ne peuvent avoir d’autres enfants que lui ; or, si aujourd’hui ou demain Maurice mourait, son cousin San-Privato deviendrait l’héritier légitime des grands biens de M. et de madame Dumirail.
— Naturellement, — répondit naïvement M. d’Otremont, ne pénétrant pas encore la portée des paroles de son ami, — San-Privato étant, selon ce que vous m’apprenez, le neveu de M. et madame Dumirail, il deviendrait leur héritier au cas où leur fils décéderait ; c’est tout simple cela !
— Cela vous paraîtrait sans doute moins simple si San-Privato, ainsi que vous le soupçonniez, et vos soupçons sont fondés, si San-Privato, dis-je, était en secret l’amant de madame de Hansfeld.
— Eh bien ?…
— Quoi !… vous n’êtes pas sur la voie ?
— Non, je vous assure.
— Après tout, votre peu de clairvoyance à ce sujet ne doit pas me surprendre, — reprit Charles Delmare certain de la sincérité des paroles de son ami ; — vous êtes homme d’honneur, mon cher Richard, et il est des abîmes de scélératesse que vous ne pouvez sonder.
— Des abîmes de scélératesse ?
— Où l’on vous entraîne à votre insu.
— Moi ?
— Richard, — reprit Charles Delmare d’un ton solennel, — vous êtes, sans le savoir… sans le vouloir, l’instrument de San-Privato et de madame de Hansfeld !
— Qu’est-ce à dire ?
— On a exploité avec une diabolique habileté votre goût pour cette femme, puis la jalousie ou le dépit que vous ont inspiré le succès de Maurice auprès d’elle ; on vous a mis l’épée à la main contre lui, dans l’espoir que vous le tuerez au profit de San-Privato, lequel alors deviendrait l’héritier de M. et madame Dumirail… Est-ce clair ?
— Monsieur ! — s’écria M. d’Otremont pourpre de colère et stupéfait de voir ainsi en partie pénétré le secret qui lui pesait comme un remords. — Quoi ! vous prétendez avoir conservé quelque amitié pour moi, et vous ne reculez pas devant une accusation qui…
— Qui serait horrible, mon cher Richard, si, au lieu d’être dupe