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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/498

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dormie, je ne songe qu’aux voleurs que j’ai vus en rêve, je veux aller fermer ma porte, je saute à bas de mon lit, et, en marchant à tâtons, je renverse un guéridon.

— C’est là le bruit que j’aurai entendu, je ne me trompais pas.

— Non, ma tante. Mon rêve s’étant tout à fait dissipé, je me suis souvenue que ma porte ne fermait qu’au pêne, je me suis recouchée. Ma nuit s’est passée sans nouveau rêve ; mais, afin de les conjurer à l’avenir, je vous demande, chère tante, un bon verrou à ma porte, et alors je ne risquerai plus de vous réveiller en renversant les meubles pendant mes accès de ridicule épouvante.

— Tu feras placer à ta porte autant de verrous que tu le voudras, ma chère ; je suis très-poltronne, j’excuse donc parfaitement la poltronnerie chez les autres.

Et, voyant entrer Catherine, madame San-Privato ajouta :

— Que voulez-vous ?

— Il y a là une vieille femme qui demande à parler à mademoiselle.

— Que me veut-elle ?

— Vous parler en particulier, mademoiselle.

— Quelque mendiante, — reprit durement madame San-Privato en haussant les épaules. — Renvoyez-la…

— Cette femme n’a pas l’air d’une mendiante, — reprit Catherine ; — elle ressemble plutôt à une bonne paysanne… Elle avait les larmes aux yeux en demandant à parler à mademoiselle.

— Eh bien ! qu’est-ce que cela prouve ?… Est-ce que ma nièce a des rapports avec des paysans ?

— Il n’importe, ma tante, il ne faut pas repousser cette bonne femme, je vais la voir. Si elle est pauvre, je lui donnerai le peu dont je puis disposer, excusant par quelques bonnes paroles la modicité de mon offrande, — reprit Jeane en quittant le salon.


XVIII

Charles Delmare, en proie à une vive agitation, la physionomie tour à tour empreinte d’espoir et de doute, tantôt faisait quelques