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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/74

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tivement obéi aux impatiences, aux anxiétés de la jalousie, presque toujours inséparable du véritable amour, surtout dans un cœur aussi fougueux que le tien ; mais, — ajouta M. Dumirail d’une voix grave et tendre, — mais songe… afin de toujours la vaincre… songe à la dangereuse exaltation de la jalousie ! Rien ne motivait la tienne au sujet de ton cousin, tu le reconnais maintenant, et, de plus, nous te l’affirmons, nous, ton père et ta mère, qui ne saurions être aveuglés par la passion… et cependant tu étais sur le point de provoquer Albert.

— C’était stupide, c’était insensé, je te l’ai avoué, je te l’avoue encore, mon père, et, quoique ce pauvre cousin ignore mes torts envers lui, demain je redoublerai de cordialité avec lui, afin de les expier, sinon à ses yeux, du moins aux vôtres et aux miens.

— Ce sentiment fait ton éloge, — reprit madame Dumirail. — Un dernier mot, mes enfants. Il est convenable que votre tante soit instruite de votre prochain mariage, non par vous, mais par mon mari et par moi…

— Tu as parfaitement raison, Julie, — ajouta M. Dumirail. — Ainsi, mes enfants, gardez votre secret jusqu’à ce que j’aie fait connaître nos projets à votre tante.

— Mon père, — demanda Maurice, — faudra-t-il aussi taire notre secret à notre ami et cher maître ?

— Cela nous serait peut-être bien difficile, — ajouta Jeane en souriant ; — nous avons tant de confiance en M. Delmare ! puis il est si pénétrant… comment lui dissimuler notre joie ?

― Notre ami savait les desseins que nous avions formés avant votre demande, mes enfants ; vous pouvez donc vous ouvrir à lui, — répondit M. Dumirail.

En ce moment, la pendule sonnait minuit.

— Il est très-tard, ― ajouta-t-il, ― va te reposer, Maurice. Il faut, tu le sais, que nous soyons sur pied demain à trois heures et demie, afin d’accomplir notre tournée de surveillance habituelle dans le domaine, avant d’aller déjeuner au chalet de Treserve avec ma sœur et son fils. Ainsi, bonsoir, mon ami.

— Bonsoir, mon père ; bonsoir, mère ; bonsoir, chère Jeane. Je vais me coucher, mais bien certain de ne pas dormir ; et toi, dormiras-tu ?

— Je ne le crois pas. Cependant j’y tâcherai, afin de trouver, à mon réveil, mon bonheur tout frais, tout reposé, — répondit Jeane en souriant.

Puis elle tendit son front à madame Dumirail, qui le baisa ten-