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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/122

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en large, pendant que, non moins curieux que lui de savoir ce qui se passait dans la chambre, je m’occupais de ranger quelques hardes afin de me donner une contenance. Une table placée à dessein par moi, devant le conduit acoustique, l’obstruait complétement, et l’on n’entendait rien de l’entretien de Robert de Mareuil et de la Levrasse.

Néanmoins, en allant et venant, Balthazar s’était plusieurs fois approché de la porte de la chambre, paraissant en proie à un vif sentiment de curiosité.

Soudain, le profond silence qui jusqu’alors avait régné fut interrompu par ce mot dit par Robert de Mareuil d’une voix éclatante et courroucée :

— Misérable !!!

À cette exclamation en suite de laquelle tout redevint silencieux, Balthazar mit la main sur la clef de la porte ; il allait sans doute entrer ; mais réfléchissant, je suppose, aux recommandations de son ami, il s’arrêta, puis recommença de marcher en disant à demi-voix :

— Hum… ça se gâte… Robert croyait pourtant que cela irait presque tout seul… Ce diable d’homme me paraît avoir une mauvaise figure.

Puis se retournant vers moi :

— N’est-ce pas, mon garçon, qu’il a une mauvaise figure ?… tu as dû le voir à ton aise hier.

— Qui cela, Monsieur ?

— Le marchand de jouets d’enfants.

— Dame !… Monsieur… je ne l’ai pas regardé beaucoup…

Soudain la porte s’ouvrit ; Robert de Mareuil avança la tête et dit :

— Balthazar… tu peux rentrer.

Le poëte entra.

Je restai seul, frappé de la pâleur de la figure de Robert et de la sombre expression de sa physionomie ; mais bientôt je vis sortir Balthazar, la figure rayonnante, l’œil étincelant de joie ; il me mit plusieurs pièces d’argent dans la main et me dit :

— Tu vas aller tout de suite au bureau de tabac de cette rue… tu demanderas au buraliste cinq timbres… rappelle-toi bien cela : cinq