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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/306

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— Madame la princesse veut dire que je ne rendrai compte qu’à elle de ses commissions ?

— Voici ce que je veux dire, — reprit la princesse avec un léger embarras : — On s’adresse souvent à moi pour des secours… et s’il est des infortunes dignes de pitié… il en est malheureusement d’autres qui sont feintes ou causées par l’inconduite… Je voudrais donc vous charger d’aller quelquefois aux informations sur les personnes qui me demandent des aumônes, afin d’obtenir des renseignements certains ; vous vous mettrez pour cela en rapport avec les portiers, les voisins, que sais-je ?… Enfin comprenez-vous ce que j’attends de vous dans ces circonstances, — ajouta la princesse en paraissant douter un peu de mon intelligence, — me comprenez-vous bien ?

— Oui, Madame la princesse… et je tâcherai que Madame puisse avoir confiance dans les renseignements que je lui fournirai.

Après un moment de réflexion, la princesse me dit :

— Alors je vous donnerai aujourd’hui même une commission de ce genre.

Et tirant le tiroir de la petite table de bois de rose placée près d’elle, Regina prit un papier, le lut, et me demanda :

— Connaissez-vous la rue du Marché-Vieux ?

— Non, Madame la princesse.

— Cette rue doit être du côté de la rue d’Enfer.

— Je la trouverai facilement, Madame la princesse.

— Eh bien ! au numéro 11 de la rue du Marché-Vieux, habite une malheureuse veuve nommée madame Lallemand… elle est paralytique et hors d’état de quitter son lit. Sa fille, âgée de onze ou douze ans au plus, est déjà venue ici deux fois m’implorer pour sa mère. Cette enfant m’a tellement intéressée, que je lui ai donné des secours… Avant-hier je l’ai revue ; elle m’a suppliée de venir voir sa mère, celle-ci ayant, disait-elle, à me confier quelque chose de la plus grande importance pour elle ; mais ne pouvant bouger de son lit, ne sachant pas écrire et ne voulant pas charger une enfant de l’âge de sa fille d’une commission si grave, elle était forcée de me prier de venir la voir. Je le lui ai promis, et J’irai demain : seulement, comme l’enfant m’a dit que les voitures pouvaient à peine entrer dans