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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/67

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— Tu demanderas le baron de Noirlieu. D’ailleurs, tu sais lire… et le nom est sur l’adresse…

— Bien, Monsieur…

— Et mon idée… — s’écria Balthazar en interrompant son ami.

— Quelle idée ?

— Savoir si réellement le baron est dans la position d’Hamlet ou d’Ophelie pour avoir été dans la position de Georges Dandin ?

— Eh bien ! — dit Robert, — comment s’en assurer ?

Le poëte haussa les épaules et me dit :

— Une fois arrivé à l’hôtel du baron de Noirlieu… tu diras au portier que tu as à remettre une lettre au baron.

— Oui, Monsieur.

— Mais au baron lui-même… et tu ne la remettras qu’à lui, entends-tu bien ?

— Dame ! Monsieur, je tâche.

Balthazar se retourna vers son ami d’un air triomphant, et me montrant du geste :

— Quand je te disais que celui-là ne serait jamais un Frontin ?

— Comment ! — reprit Robert de Mareuil avec impatience, — tu ne comprends pas qu’on te demande de ne remettre cette lettre qu’au baron lui-même ?

— Ah ! si, Monsieur… j’y suis maintenant ; je ne la donnerai à personne autre qu’à M. le baron.

— Enfin ! — dit Balthazar. — Maintenant, autre chose… As-tu de la mémoire ?

— Plaît-il, Monsieur ?

— Trésor d’innocence, va !… Quand tu as vu ou entendu quelque chose, t’en souviens-tu ensuite ?

— Oh ! non, Monsieur ; un ou deux jours après je ne me rappelle presque plus rien.

— Eh bien ! tout en remettant ta lettre au baron… regarde-le attentivement, examine sa figure, observe bien ce qu’il fera, écoute bien ce qu’il dira en recevant ou en lisant la lettre… tâche surtout de te rappeler toutes ces choses-là… et tu reviendras tout de suite nous les dire… En si peu de temps tu ne les auras pas oubliées ?