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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/84

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— Oui, Monsieur, c’est bien le nom de ce Monsieur, et sa figure.

Robert de Mareuil regarda le poëte, et lui dit, en secouant la tête :

— Tu connais la volonté de fer de ce diable d’homme : il est puissamment riche. Rien pour moi ne serait plus dangereux que…

Mais, s’interrompant par réflexion, Robert de Mareuil reprit, en s’adressant à moi :

— Continue. Pendant que tu parlais au mulâtre, le comte Duriveau est sorti de chez le baron ?

— Oui, Monsieur, et le mulâtre l’a accompagné jusqu’à la porte. Alors, ce Monsieur a dit au mulâtre de rappeler à M. le baron qu’il viendrait le lendemain, sur les deux heures, le chercher pour aller au Louvre avec Mlle Re… Re…

— Régina… — s’écria Robert.

— Oui, Monsieur… c’est bien ce nom-là.

— Ah ! ah !… Demain… à deux heures… au Louvre… — dit Robert avec une sorte de satisfaction mêlée de dépit. — Très-bien ! l’on y sera ; c’est bon à savoir. Le baron n’est donc pas devenu si sauvage ou si fou qu’on veut bien le dire. À merveille ! demain l’on sera au Louvre.

Et m’adressant de nouveau la parole, le comte ajouta :

— Mon garçon, tu vaux ton pesant d’or, malgré ton air niais. Continue : après le départ de Duriveau, tu es resté avec le mulâtre ?

— Oui, Monsieur.

— Et que t’a-t-il dit ?

— Comme je voulais absolument remettre ma lettre au baron, le mulâtre m’a dit que son maître ne recevait personne ; mais j’ai tant fait qu’à la fin le mulâtre m’a conduit dans un salon où il y avait beaucoup de portraits ; là il m’a fait attendre.

— Et tu as vu le baron, enfin ?

— Oh ! Non, Monsieur : au bout de quelques instants, le mulâtre est revenu, et il m’a dit avec un drôle d’air : — Si vous ne voulez pas laisser la lettre, que M. le comte de Mareuil écrive à M. le baron par la poste ; il lui répondra. Là-dessus, sans vouloir rien entendre, le mulâtre m’a reconduit jusqu’à la porte.

— Toujours la même rancune ou la même défiance, — dit Robert, en s’adressant au poëte, qui fidèle au mutisme qu’il s’était imposé