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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/87

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main auprès de la maison du baron… tu examineras toutes les personnes qui entreront chez lui, et tu observeras si parmi elles se trouve ce jeune homme dont tu m’as parlé… S’il y vient en voiture, rien de plus facile que savoir qui il est.

— Comment cela, Monsieur ?

— En interrogeant les domestiques, en leur demandant le nom de leur maître.

— Oh ! Monsieur… moi… je n’oserai pas… et puis ils ne voudront pas me le dire…

— S’ils refusent de te répondre, il y aura un moyen très-simple de faire parler ces gens, — reprit Robert.—Cet homme, dis-tu, est jeune, élégant et beau ?

— Oui, Monsieur, très-beau, très-beau de figure.

Robert fronça le sourcil et ajouta :

— Eh bien ! tu diras d’un air mystérieux à ses gens que tu viens de la part d’une très-jolie femme qui a remarqué leur maître, et qui voudrait savoir son nom et son adresse. Il est impossible, alors, que les domestiques ne te le disent pas. Comprends-tu bien ?

— Mais, Monsieur, puisque ce n’est pas vrai… — dis-je à Robert d’un air niais et embarrassé. — Il faudra donc que je mente ?

— Bravo, anti-Frontin ! — s’écria Balthazar, ne pouvant rester muet plus longtemps, — tout à l’heure tu m’effrayais, tu tournais légèrement au Figaro, mais ce dernier trait me rassure ! Aussi, — s’écria le poëte avec une exaltation croissante, — aussi j’élève tes gages à quinze nulle livres tournois pour cette vertueuse réponse, — s’écria Balthazar. — Seulement, tu me fourniras de tire-bottes, d’allumettes chimiques, de cirage et de faux cols.

— Mais, Monsieur, si ce jeune homme ne vient pas en voiture ? — dis-je à Robert, — comment parler à ses domestiques ?

— S’il vient à pied, tu attendras qu’il sorte et tu le suivras…

— Où cela, Monsieur ?

— Partout où il ira… il faudra bien qu’il couche quelque part.

— Ah ! ça, c’est vrai, — dis-je d’un air fin et triomphant, — et comme on ne couche que chez soi… je saurai bien où il demeure.