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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/116

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AU RENDEZ-VOUS DES TITI.
GRAND BAL PARÉ ET TRAVESTI.
ohé ! les autres ohé !

J’ouvris la portière, je sautai à bas du fiacre, et je dis à Jérôme, en lui montrant de l’autre côté de la rue l’angle d’une ruelle obscure :

— Attendez-moi dans cette ruelle, mon cher Jérôme, ne quittez pas votre siège, je vous en supplie… et rappelez-vous ma recommandation.

— Soyez tranquille, Monsieur le Marquis, — me répondit Jérôme à demi-voix, pour me prouver qu’il n’avait rien oublié. — Mais filez vite… voilà l’autre Pierrot qui prend son billet au bureau.

En effet, à son rang, derrière cinq ou six autres personnes déguisées, l’autre Pierrot, le prince de Montbar… attendait son tour de payer son entrée à un guichet gardé par deux gardes municipaux.

Je me mis immédiatement derrière le prince, afin de ne pas le perdre de vue.

Je pris mon billet après M. de Montbar, et je le suivis pas à pas.

Après avoir traversé une sorte d’allée assez longue, de chaque côté de laquelle s’ouvraient des cabinets destinés aux buveurs, nous entrâmes dans une salle immense, éclairée par des lustres garnis de quinquets rares, fumeux, qui ne jetaient qu’une lumière diffuse, et laissaient presque dans l’obscurité une galerie ou tribune exhaussée de six ou sept pieds, qui occupait les deux côtés de ce long parallélogramme. Dans cet espace étaient disposés une grande quantité de tables et de tabourets destinés aux buveurs, qui, de cet endroit élevé, pouvaient jouir du coup d’œil du bal costumé.

Je fus un moment abasourdi par le tapage infernal de l’orchestre, uniquement composé d’instruments de cuivre assez retentissants pour dominer le tumulte de cette immense cohue où plus de cinq cents personnes parlaient, chantaient, riaient, criaient, hurlaient, tandis que le plancher, d’où s’élevaient une brume poudreuse, tremblait sous les piétinements frénétiques des danseurs.

Je reconnus bientôt à la physionomie sinistre et aux paroles crapuleuses de la plupart des coryphées de ce bal, qu’il devait être surtout fréquenté par cette lie grossière, oisive, dépravée, qui fourmille dans ces grands repaires.

Les costumes étaient presque tous sales, ignobles, hideux, ou d’un