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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/145

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désormais impossible avec vous. Séparons-nous donc sans éclat, sans scandale, et reprenons chacun notre liberté. »

— Ce langage, elle me l’a tenu à peu près hier, — dit le prince avec une rage concentrée, — mais demain aussi… je tuerai celui qui m’a ravi le cœur de ma femme. Je serai ridicule aux yeux des gens de bonne compagnie… je le sais… mais il y a trop longtemps que cette lâche appréhension me fait dévorer ma jalousie… La vengeance me sauvera du ridicule.

— Stérile vengeance, Monsieur ! Si elle s’accomplit, elle changera en haine incurable l’estime que Madame de Montbar peut avoir conservée pour vous.

— Eh bien ! elle et moi nous serons malheureux ; j’aime mieux cela que la vue de son bonheur insolent.

— Ne vaudrait-il pas mieux être heureux… elle et vous ?

— Que voulez-vous dire ?

— Afin de vous montrer, Monsieur, de quelle importance est notre entretien, afin de vous donner, en un mot, une confiance absolue dans mes paroles… une dernière question : Savez-vous de quel prix serait pour Madame de Montbar la preuve matérielle, irrécusable de l’innocence de sa mère ?

— Pour une telle preuve, — s’écria le prince, — Madame de Montbar donnerait la moitié de sa vie.

— Eh bien ! Monsieur, ces preuves… je les possède…

— Vous ?

— Je les ai là !… sur moi !

— Vous, — répéta le prince avec une stupeur croissante.

— Ces preuves, je les ai là, dans ce portefeuille… Maintenant, Monsieur, supposez que ces preuves… je les mette entre vos mains.

— Ces preuves ? entre mes mains… — dit le prince, et il semblait ne pas croire à ce qu’il entendait.

— Oui, — lui dis-je, — entre vos mains ; supposez ensuite qu’armé de cette réhabilitation d’un si grand prix pour Madame de Montbar, vous rentriez tout à l’heure à votre hôtel ; demain matin vous faites demander à Madame de Montbar à quelle heure elle peut vous recevoir.

— C’est un rêve, — murmurait le prince étourdi, — c’est un rêve !

— Vous pouvez le réaliser, Monsieur. Je poursuivis ma supposition : vous vous présentez chez Madame de Montbar, et vous lui dites à peu près ceci… ou beaucoup mieux, j’en suis certain : « Ma-