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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/146

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dame, je sais le prix que vous attachez à la réhabilitation de la mémoire de votre mère ; cette réhabilitation la voici : (et vous remettez à Madame de Montbar le portefeuille que je vous ai confié). En vous donnant, Madame, les moyens de prouver l’innocence de votre mère, je n’atténue en rien mes torts passés envers vous ; ils sont grands, je le reconnais ; impardonnables… je le crains, car vous n’en connaissez pas la nature ; vous avez surpris mes absences nocturnes, vous avez cru qu’il s’agissait de quelque infidélité ; non, Madame, c’était pis encore, puisque je n’ai pas même osé tenter de me justifier… loin de là, j’ai accueilli vos reproches touchants avec hauteur et dédain… Ce que je n’ai pas osé vous avouer alors, de crainte de m’aliéner votre affection… je puis vous le dire aujourd’hui… Malheureusement je n’ai plus rien à perdre… » — Et alors, Monsieur, vous racontez franchement à Madame de Montbar, comme vous me l’avez raconté à moi-même, par quelle fatalité vous avez été poussé à cette étrange passion des contrastes. Madame de Montbar vous plaindra, vous estimera, Monsieur, parce que dans cet aveu, vous aurez été sincère et digne.

— Cet aveu… à elle… et maintenant, — répondit le prince en réfléchissant.

— C’est, je crois, Monsieur, votre seule chance de salut… Après cet aveu… vous lui dites…

Puis m’interrompant, de peur de blesser l’amour-propre de Monsieur de Montbar, je repris cordialement :

— Excusez-moi, de grâce, Monsieur, si je parais ainsi vous dicter votre conduite et jusqu’à vos paroles… mais…

— Continuez… continuez, je vous en conjure, me dit le prince avec une résignation qui me navra ; — ma cause serait gagnée… si je sentais, si je parlais comme vous !

— Cette modestie même prouve que sentiment et langage tout est en vous, Monsieur ; je continue dont puisque vous le permettez…

— Je vous en supplie.

— Vous dites donc à Madame de Montbar : — « Après une telle confidence, Madame, je n’ai plus aucune espérance à attendre ; j’ai perdu votre affection, j’ai dû la perdre ; une fausse honte, un mauvais orgueil m’a d’abord fait vous cacher les souffrances que vos froideurs m’ont causées ; car je vous ai toujours aimée… je vous aime