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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/158

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trouvait sous l’empire d’une émotion telle, que je remarquai le tremblement involontaire dont toute sa personne était agitée ; pourtant, malgré ces tressaillements, malgré cette pâleur, un bonheur contenu se lisait sur ses traits… Il espérait… sans doute.

Régina, finissant de cacheter une lettre qu’elle venait d’écrire, m’a dit d’une voix pour ainsi dire palpitante de joie :

— Cette lettre… chez mon père… à l’instant et à lui-même, entendez-vous ? à lui-même. Ma voiture est attelée… prenez-la… pour être plus tôt arrivé… Ne perdez pas une minute… pas une seconde…

— Je ferai observer à Madame la princesse…

— Quoi ? — me dit-elle impatiemment.

— Que peut-être M. Melchior ne voudra pas me laisser arriver jusqu’à M. le baron…

— C’est vrai, — dit Régina, en se retournant vers son mari ; — vous le voyez bien, il vaut mieux que j’y aille moi-même. Faites vite avancer ma voiture, — me dit-elle.

— Je vous assure, — dit le prince, — que, dans l’état de faiblesse où est votre père, votre présence inattendue, et surtout… dans cette circonstance, — ajouta-t-il en appuyant sur ce mot, — peut lui causer la plus dangereuse révolution. Votre lettre, au contraire, le préparera à votre visite… et cela vaudra infiniment mieux pour lui… croyez-moi.

— Vous avez peut-être raison… Mais pourtant si Melchior, et vous connaissez cet homme, ne veut pas laisser arriver Martin me de mon père ?

— J’irais bien moi-même, — dit le prince en réfléchissant, — mais l’inconvénient serait le même… Je m’y résoudrai pourtant si votre lettre ne peut être remise entre les mains de votre père. Mais il me paraît impossible qu’elle ne le soit pas. Puis, s’adressant à moi, M. de Montbar me dit impérativement :

Il faut que vous remettiez cette lettre entre les mains de M. de Noirlieu, entendez-vous ?… il le faut

— Prince… je tâcherai, — dis-je humblement.

— Il ne s’agit pas de tâcher, — reprit le prince avec hauteur, — il faut que cela soit. Vous insisterez auprès de Melchior ; vous exigerez, en lui disant que vous avez l’ordre de Madame de Montbar… et à moins que vous ne soyez d’une maladresse sans pareille…

— Prince… ce ne sera pas ma faute si je ne…